Et pourquoi pas fanatiques ? Modestement classé en moyenne montagne, des alpages verdoyants où paissent tarines et abondances aux sommets escarpés abritant chamois et bouquetins, le massif des Aravis est un paradis pour les randonneurs, alors qu’en limite sud, le Beaufortain et le val d’Arly égrènent leurs villages fleuris accrochés à la pente, avec le Mont-blanc en toile de fond.Grand beau sur La Clusaz. En cette fin d’été, la montagne s’est parée des couleurs du Club des cent cols : le vert tendre des alpages épouse le bleu horizon d’un ciel sans nuage, qu’un mince liseré blanc souligne discrètement. C’est dans un tintamarre de clarines, ponctué de quelques meuglements que nous nous élevons dans les premiers lacets du pastoral col des Aravis. Les touristes et randonneurs ont presque tous regagné Paris ou d’autres lieux, restituant intacte leur montagne aux cyclos de la vallée de Thônes qui nous ouvrent la route et aux grassouillettes marmottes haut-savoyardes, ces effrontées qui déjà nous sifflent. Les kilomètres sont jalonnés d’aguichants panneaux « Reblochon fermier – vente directe » et « génépi artisanal ». Depuis le sommet de ce col facile, la vue sur la chaîne du mont Blanc n’est pas complètement dégagée.À Flumet, nous choisissons notre optionPour être seulement « ravis », on peut éviter la boucle beaufortaine et rallier directement Ugine par les gorges de l’Arly. Comme nous visons le titre de « fanatiques », nous prenons la direction du col des Saisies, ainsi nommé parce qu’il était fréquenté par les contrebandiers et les douaniers. La station de ski du même nom n’en finit pas de s’étendre, grignotant peu à peu l’alpage. Le clocher à bulbe d’Hauteluce, particulièrement photogénique, nous stoppe un instant dans cette belle descente, un vrai billard. À l’heure du déjeuner, nous entrons dans Beaufort, nom prestigieux connu de tous les amateurs de fromage. En sortant de table, direction Queige, où nous cueille le petit col de la Forclaz, d’une quiétude absolue. Puis nous continuons vers Faverges, par la piste cyclable tracée sur l’ancienne voie ferrée. La montée au col des Essérieux est bizarrement déserte : la route étant coupée pour travaux, seuls les cyclistes peuvent s’y faufiler. Enfin le col du Marais n’est qu’une simple formalité, avant de retrouver l’intense circulation de la vallée de Thônes.La deuxième journée débute dans la fraîche descente vers Saint-Jean-de-Sixt. Corsaire et manches longues sont obligatoires, et aussitôt rangés dès la première rampe de la Colombière, sans un poil d’ombre. Longtemps, longtemps, longtemps après que les champions ont disparu, leurs prénoms courent encore dans les cols, longue liste ripolinée sur l’asphalte inclinée, épitaphes gravées dans le marbre de l’histoire du Tour. L’autre versant nous fait découvrir un trésor : le monastère du Reposoir, se reflétant majestueusement dans l’eau claire de l’étang. Après ce bucolique intermède, nous dévalons la côte de Romme pour atteindre Cluses et l’industrieuse vallée de l’Arve, où l’on ne compte plus les entreprises de décolletage. Heureusement, après Sallanches, nous nous en extrayons en grimpant sur le balcon de Combloux, où nous gagnons cette vue de rêve, fantastique, promise et méritée sur le mont Blanc, enfin ! Après un petit tour à pied dans la station de Megève, réputée « chic », nous nous régalons dans la descente du val d’Arly, tant pis pour les gorges qui sont en aval, réservés aux simples « ravis », notre parcours nous offre une deuxième ascension des Aravis. Le soir à l’hôtel, la bière a un bon goût de récompense.Jour 3 : prêts pour la dernière boucle ?En la réalisant, cette fois c’est sûr, nous serons promus au grade de « fanatiques ». La montée au plateau des Glières, par Saint-Laurent et Thorens-Glières, est longue et difficile. Ce haut lieu de la Résistance inspire le respect et nous devons bien quelques minutes de recueillement aux hommes du maquis des Glières, devant le monumental mémorial. Les deux derniers kilomètres, non revêtus, mènent à l’auberge « chez Constance », un bar-restaurant très connu des randonneurs. L’accueil est chaleureux, et on a envie de traîner. Ce n’est qu’en fin d’après-midi que nous redescendons par une route étroite et sinueuse, au revêtement marqué par la neige et le débardage du bois, treize pour cent de pente moyenne, ça fait chanter les freins et chauffer les jantes. Enfin nous retrouvons une vraie route, large et pourtant nommée « les Étroits » qui nous ramène à la Clusaz, fourbus et ravis de ces trois jours de randonnée dans le magnifique massif des Aravis.François Gerfaud-Valentin et Christian BacquetÀ voir- Le mont Charvin et la Pointe Percée, points culminants du massif- Les vieux chalets du Chinaillon au Grand-Bornand, dont certains, immenses et sombres, sont nés en 1780- Musées paysans de Thônes, Ugine, La Giettaz- Devoir de mémoire : mémorial des GlièresÀ déguster : Tomme, Beaufort, Reblochon